Amilure

Les amis de la montagne de Lure

En synthèse

Le samedi 11 mars 2023, les habitants de Mallefougasse étaient invités (par un tract déposé dans leur boîte aux lettres une semaine plus tôt) à découvrir un nouveau projet de centrale photovoltaïque à proximité du village. Les représentants de l’opérateur, H2Air, attendaient le public au camping Lou Pèbre d’Ail aux côtés de la famille Tron, propriétaire du foncier sur lequel se construit le projet (ainsi que du camping en question).

L’envergure du projet et l’opposition connue de la commune nous ont alertés et nous avons appelé à la mobilisation « pour interroger les acteurs de ce projet sur leurs intentions concernant notre bien commun, la montagne de Lure » – rappelant que l’opérateur comptait certains détracteurs.

Les faits

Le tract de H2Air annonce un projet d’une capacité de 15 MW, pour une production annuelle de 22 500 MWh, soit, prétend l’opérateur, de quoi alimenter 10 250 habitants en électricité. Compte tenu du facteur de charge de notre territoire (environ 16%) la production annuelle prévue (au démarrage) est assez juste. En prenant l’estimation d’EDF de la consommation moyenne par habitant et par an, soit  2 223 kWH, la projection de l’opérateur n’excède les chiffres que de 10% (9 340 habitants alimentés par ce projet), ce qui est particulièrement conservateur à l’aune de certains industriels qui multiplient ces projections par 2 sans vergogne.

La mairie nous confirme que 30 parcelles sont impliquées, toutes classées N (zone naturelle) et une seule classée A (zone agricole) – la parcelle 0393 indiquée par une flèche  rouge dans la vue aérienne ci-dessous. Ces parcelles constituent, ensemble, un territoire de 34,13 ha.

A ces 34 ha s’ajoutera le périmètre des obligations légales de débroussaillement (OLD), ceinture de 50 m autour des limites du projet qui, au vu du découpage compliqué de son implantation, toucheront entre 15 et 20 hectares, certains de ces espaces étant cependant des terres agricoles qui ne nécessiteront aucune intervention.

Ce projet est annoncé comme agrivoltaïque, donc construit sur des terres agricoles sans, a priori, compromettre leur usage. Cette logique fait débat, la perspective d’une France où les centrales photovoltaïques remplaceraient les cultures, où les agriculteurs abandonneraient leur métier pour devenir producteurs d’électricité, ne paraissant pas souhaitable. Nous en parlons dans nos pages ici et , comme aussi dans la presse, et la situation reste inquiétante dans la mesure où le flou domine encore, ce qui semble profiter aux porteurs de projets. La nouvelle loi sur l’accélération des énergies renouvelables (EnR) est censée cadrer tout ça mais on attend encore les décrets d’application – avec un certain scepticisme : comment empêcher un agriculteur de décupler ses revenus en couvrant ses terres de panneaux ? Même si l’agriculture restait possible, quel intérêt aurait-il à la maintenir ? L’enjeu est trop important : quelles que soient la loi et la réglementation, il restera toujours des contournements possibles permettant aux détenteurs de terres éligibles d’en profiter. L’idée évoquée de réserver ce droit aux opérateurs industriels est à la fois cynique et inique, et n’empêchera pas des montages plus ou moins opaques pour échapper à tout contrôle. Seule l’exclusion générale des terres agricoles (zones A au PLU) pour implantation EnR aurait un sens tout en restant vérifiable par tous.

Par ailleurs, au dire de la mairie et de nombreux Fougassais, des coupes forestières ont été réalisées depuis 4 ans sur ce territoire, apparemment sans l’encadrement d’un plan de gestion (comme le demande le CNPF). Nous avons étudié le terrain et ces affirmations restent difficiles à vérifier.

En termes de visibilité, si certaines parcelles risquent d’être masquées à la vue du village, d’autres vont impacter le paysage de façon significative, comme on le voit sur cette extraction de Google Earth qui couvre notamment les parcelles 0317, 0324 et 0326 (visées par le projet), sous les fenêtres du village bien visible :

Pour les voisins, par exemple de la commune de Montlaux, de l’autre côté de la vallée, cette nouvelle implantation s’ajouterait au projet de Cruis dont les travaux, sauf contre-ordre, vont commencer à l’été 2023, poursuivant la couverture de la montagne de panneaux de verre noir.

La balade

La veille du rendez-vous proposé par l’opérateur, la commune a fait distribuer dans les boîtes aux lettres de Mallefougasse un flyer adressant quelques questions logistiques puis :

La commune vous informe que le projet photovoltaïque qui vous est présenté est à l’initiative conjointe d’un propriétaire et d’un opérateur. Compte tenu des règles d’urbanisme en vigueur et de sa localisation géographique en visibilité du village, la municipalité ne pourra donner qu’un avis défavorable à sa réalisation.

La position était donc clairement exprimée, comme le confirme par ailleurs le conseil municipal du 17 mars (page 2).A l’heure dite les édiles étaient bien présents mais restaient sur le chemin à l’entrée du camping, sans y pénétrer. Ils ne cherchaient cependant pas à prendre la parole, se contentant de faire acte de présence, et ne participèrent pas à la déambulation proposée.

La matinée se déroula relativement calmement, les porteurs du projet se faisant cependant quelques fois apostropher par le public. Ce fut l’occasion d’échanger avec l’opérateur pour (tenter de) voir un peu plus clair dans la démarche.

L’équipe de 4 personnes représentant H2Air était dirigée par le doyen du groupe. Interrogé au cours de la « balade », il admettait que la situation paraissait compliquée auprès de la mairie. Il lui aurait fait parvenir les éléments du projet sans obtenir de réponse. Côté mairie, on nous assure pourtant que rien n’a été reçu. Ce quiproquo apparent est à l’image de toute cette histoire : l’information semble intangible, on a le sentiment d’avancer dans le brouillard. Le même représentant de H2Air, à qui nous faisions part de notre étonnement face au projet compte tenu des dispositions du PLU, nous interrogeait en retour : « Vous êtes sûr qu’avec la notion d’intérêt collectif on ne peut pas contourner ce zonage ? ». La candeur de la question, posée par l’industriel de référence, laisse perplexe.

Lettre de soutien

Conscients du bras de fer qui s’installe entre la mairie et l’un des propriétaires les plus influents de Mallefougasse, une partie de la population a souhaité démontrer son soutien à ses élus par une lettre (cliquer pour agrandir) :

Remise en mains propres le 12 mai 2023, cette lettre comptait 112 signatures, sachant que le document continuait à circuler et à recueillir l’adhésion. La population du village est d’environ 325 habitants.

Position d’Amilure

Le flou agrivoltaïque pourrait inciter Amilure à réserver son jugement, bien que le principe soulève de grandes inquiétudes, mais le déni de concertation même communale qui caractérise cette démarche procède du passage en force et suscite notre désapprobation. En conséquence nous considérons qu’il s’agit d’un projet à combattre.

index projet : #mallefougasse-hibiscus

4 commentaires sur “Les Hibiscus, à Mallefougasse

  1. La demande de Permis de construire a t elle été déposée , à ce jour, en préfecture ?
    Qui contacter pour signer la pétition ?

    1. Au sujet du permis, les informations qui circulent sont contradictoires. Aux dernières nouvelles la mairie n’en avait pas eu connaissance mais c’est certainement auprès d’elle que vous aurez les dernières informations.

      Pour ce qui est de la « pétition », c’était plutôt une lettre de soutien et elle a déjà été remise au maire avec les signatures. Il est maintenant question qu’une véritable pétition soit mise en ligne. Cherchez des contacts locaux pour vous tenir au courant. Nous relaierons l’info si/quand nous l’obtiendrons.

  2. MERCI de votre soutien et vos actions.
    Le fait que 29 des 30 parcelles concernées soient classées en zone naturelle ne constitue-t-il pas un point dur pour ce projet ?
    Selon le ‘déroulé prévisionnel’ indiqué sur le flyer, le projet n’est qu’à son début. Comment est-il possible que l’enquête publique n’arrive qu’en 5ème étape, après la demande de permis de construire ? Est-ce que son résultat pourrait bloquer le projet ? Pourtant, la 6ème étape est l’obtention du permis de construire !
    Très curieux ce déroulé, non ?

    1. Merci pour ce commentaire.

      Comme nous l’expliquons dans notre dernier article sur les projets de Limans et de Mallefougasse, la fragilité ici nous semble venir de la loi d’accélération des EnR, qui devrait favoriser les projets dits d’agrivoltaïsme sur zones N.

      L’enquête publique pour le permis (il en eut fallu une aussi pour la modification du PLU si c’était nécessaire) a lieu après le dépôt du permis, tous les verrous institutionnels levés. La conclusion d’une enquête publique c’est celle du « commissaire enquêteur ». Si vous faites une recherche sur cet intitulé dans notre site vous verrez (par exemple dans cet article) que cette étape n’est souvent qu’un simulacre de démocratie, à la merci des vues souvent obtuses du préposé.

      Vient ensuite le préfet, qui accepte les conclusions favorables de l’enquête ou, en cas de conclusion défavorable, choisit souvent de ne pas en tenir compte.

      Le permis peut ensuite être accordé, ouvrant un délai de deux mois pendant lequel des recours peuvent être déposés.

      Si ce projet attend les décrets d’application de la loi d’accélération sur l’agrivoltaïsme, cette procédure peut éventuellement être raccourcie.

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