Les Omergues
Les Omergues est un petit village d’environ 150 habitants situé à la fois dans la vallée du Jabron (le village) et à l’extrémité ouest de la montagne de Lure, là où débute le plateau d’Albion (hameau de Saint-André-de-Villesèche). Il faut compter environ 25 minutes en voiture pour relier le village au hameau.
Le contexte
Voici comment nos interlocuteurs aux Omergues résument la situation :
Entre 2019 et 2024 deux parcs photovoltaïques ont été installés à proximité du hameau de Saint-André-de-Villesèche sans que ses habitants n’en soient informés. En échangeant avec un éleveur, nous apprenons qu’il est en discussion avec la mairie et la société allemande Abo Wind (devenue Abo Energy) pour la création d’un parc agrivoltaïque près du hameau. Nous adressons alors au maire le 24 mai une lettre-pétition signée par les 13 habitants du hameau nous étonnant de ne pas avoir été mis au courant de ces parcs et l’informant de notre opposition à leur installation.
Dans le même temps, se constitue le collectif « Sauvegarde des Monts d’Albion ». Nous apprenons alors que 2 autres centrales sont également prévues sur le hameau dont les permis de construire ont déjà été déposés. Nous demandons alors par téléphone et courriels une réunion d’information pour la population locale
En réponse, le maire propose aux seuls habitants du hameau une « réunion d’information et d’échange » le 11juin 2024. Il s’agira en fait d’une réunion « publicitaire » de la société Abo Wind concernant uniquement le parc agrivoltaïque. Les 7 habitants du hameau qui ont pu se libérer pour assister à cette réunion posent des questions, argumentent en rappelant leur opposition à ce parc. Le compte-rendu de cette réunion, rédigé par Abo Wind, ne fera pas état de ces interventions et de cette opposition.
Nous insistons et la réunion demandée est enfin convoquée le samedi 7 décembre 2024.
Dans une ambiance tendue, les élus ayant annoncé qu’ils ne répondraient pas aux questions du public, certains, dont le collectif local pour la Sauvegarde des monts d’Albion, ont tenté d’exposer les motifs de leur inquiétude.
Amilure était représentée à cette réunion. Comme le maire proposait un entretien nous avons sollicité un rendez-vous.
Entretien mairie
Le 10 janvier 2025, deux représentants d’Amilure ont participé à cette rencontre où étaient également présents des membres du collectif local. La municipalité était représentée par le maire, les deux adjoints et une conseillère municipale.
Nous résumons succinctement ici cet entretien.
A propos du PLU
En introduction, le maire rappelle que les permis de construire déposés en mairie sont en cours d’instruction par les services de l’Etat (DDT).
Le sujet de l’état d’avancement du PLU est abordé – la carte communale actuelle ne permettrait (théoriquement) aucun des projets. En 2021 la commune a engagé une procédure d’élaboration du PLU. Dans ce cadre deux réunions publiques ont déjà été organisées, qui sont documentées sur le site de la commune, pour lancer le projet et présenter le PADD (Projet d’aménagement et de développement durable). Le zonage et le règlement du PLU restent aujourd’hui à l’étude. Une troisième réunion publique aura lieu avant l’arrêt du projet par une délibération du conseil municipal (août ou septembre 2025 estime le maire), débouchant sur la transmission du dossier aux PPA (personnes publiques associées – chambre d’agriculture, SDIS, ONF, etc.) qui devraient mettre environ trois mois pour répondre. Une enquête publique devra conclure le processus qui ouvrira aux observations du public, laquelle aurait donc logiquement lieu début 2026.
Les représentants d’Amilure observent que pour « l’élaboration […] du plan local d’urbanisme » les textes prévoient « une concertation associant, pendant toute la durée de l’élaboration du projet, les habitants, associations locales et les autres personnes concernées ». Rappelée à ce principe, l’équipe municipale affirme l’existence d’un registre disponible en mairie pour recevoir les observations du public (ce qui n’a pu être constaté que quelques jours plus tard).
Les centrales déjà en service
Amilure rappelle le projet du Défends du Bon Péou, centrale de 6 ha déjà en exploitation, qui semble contredire l’impératif du PLU pour des implantations industrielles de ce type. Ce projet avait suscité les critiques de la MRAE mais les instances administratives présidant aux autorisations, ainsi que le commissaire enquêteur chargé de l’enquête publique associée, ont jugé que le contexte (dont l’absence de PLU) se prêtait à ce développement industriel en pleine nature. A noter que le commissaire enquêteur a tout de même relevé que « la question de la mise en place d’un moratoire sur ce type de projet sur le massif de la montagne de Lure, soulevée par plusieurs contributions, pour permettre l’organisation et la tenue d’une telle réflexion, paraît légitime ».
Cette centrale est maintenant en exploitation, comme l’est aussi la centrale AMIC, projet d’environ 5 ha sur un foncier privé qui n’a étonnamment laissé aucune trace d’autorisation administrative, toujours sans que le PLU ne soit mis en place.
Les projets se multiplient
Depuis, plusieurs autres projets impactant le foncier de la commune, privé ou public, ont émergé. Bien que le PADD cite l’objectif de poursuivre le développement des énergies renouvelables (centrales photovoltaïques), pour une commune de 143 habitants l’accumulation de ces projets pose question, d’autant plus qu’ils concernent tous le petit hameau de Villesèche, sanctuaire naturel peu fréquenté, milieu exceptionnel qu’il faudrait plutôt préserver.
Le collectif des Monts d’Albion exprime son inquiétude du fait qu’après la centrale privée Amic et celle communale du Défends du Bon Péou, déjà réalisées, il existe des études d’impact concernant les projets suivants :
- sur La Lauzette un projet dans le domaine de l’ONF pour une zone d’étude de 97 ha et 18 ha d’emprise (SA Lauzette, La Ciotat/ Sonnedix) ;
- sur le secteur Vierasse Chautabrie, pour une zone d’étude de 143 ha et 34 ha d’emprise parcelles privées et communale (Solaire D032, Montpellier / Engie) ;
- un projet agrivoltaïque sur campas et bois de cèdres (déjà rasé) sur une parcelle d’environ 20 ha, porté par la société Abo Energy, au cœur de la vallée du hameau ;
- une éventuelle implantation d’un poste source RTE, 2 ha sur une parcelle de 12 ha.
La question de l’accès aux contenus des études d’impact se pose. La demande en a été faite à la mairie et auprès des services instructeurs.
À propos des retombées financières
Le maire indique qu’actuellement la commune percevrait entre 18 000 et 20 000 €, sous forme d’impôts et de redevances, pour les centrales installées (AMIC et Défends du Bon Péou) à quoi s’ajouterait une taxe foncière. Pour le projet Vierrasse Chautabrie (un partenariat public/privé) le rapport annuel estimé serait de 75 000 € pour la commune. Pour le projet Sonnedix sur forêt domaniale la location du terrain irait en principe à l’ONF – la commune ne percevrait qu’une part des taxes dues (réparties entre commune, intercommunauté et département).
Pour le projet agrivoltaïque on ne sait rien mais les retombées seront surtout privées. Pour l’heure il n’est pas passé au guichet unique de la sous-préfecture de Forcalquier qui centralise sous sa responsabilité l’ensemble des projets d’EnR. Les élus expliquent qu’ils n’ont pas les moyens de s’opposer à un dépôt de demande de permis, ni d’empêcher que pour une étude on emprunte les chemins communaux.
Pour l’ensemble des projets s’ils se réalisaient la commune percevrait en une fois une taxe de 56 000 €. Et la commune affirme par ailleurs dans sa communication qu’une rente annuelle de 140 000 € est attendue.
Ces chiffres restent, on le voit, à préciser, notamment en termes de revenus unitaires ou récurrents. Il est impossible, en l’état d’en vérifier la cohérence.
La question du poste source
Un poste source est une construction technique permettant à la fois de centraliser des réseaux électriques de tensions différentes et de les redistribuer sur d’autres réseaux de tensions diverses. C’est une infrastructure essentielle dans le contexte de la production décentralisée d’électricité, sachant que les distances de transport ont un impact négatif sur les rendements. Le poste source dont il est question ici fait l’objet d’un appel à candidatures publié par RTE (gestionnaire du réseau de transport d’électricité) dans le but de faire une acquisition de terrain. Rien n’est fait pour l’instant et le projet concerne d’autres communes du plateau – Revest-du-Bion, Saint-Trinit, Sault, Ferrassière… Les Omergues pourraient être trop éloigné pour un raccordement optimal avec Terradou (Carpentras). Le maire indique qu’il s’agit d’une étude interdépartementale et régionale et que les avis des préfets du Vaucluse et des Alpes-de-Haute-Provence seront requis, vu le montant de l’investissement entre 4 et 5 millions d’euros.
Perspectives locales
Le collectif s’interroge sur la destination des ressources envisagées, (pour mémoire 56 000 € d’entrée et 140 000 € annuels, selon la mairie), et comment elles seraient réparties. À quoi serviraient-elles ? La question est légitime car les comptes de la commune font apparaître de généreux excédents. La question est récurrente : les communes qui s’investissent à fond dans ces projets pour abonder leurs finances ne communiquent pratiquement jamais d’objectifs, au point qu’on peut se demander si elles les ont identifiés.
Les représentants du collectif demandent quelle consultation sera prévue pour gérer la manne financière envisagée. Le maire répond que pour l’instant, les projets étant à l’état d’étude, seules des hypothèses peuvent être envisagées comme le rachat d’un bâtiment ou de terrains pour, sur le long terme, de multiples destinations encore imprécises. Le besoin de financement n’est donc pas clairement justifié.
Le collectif évoque la possibilité de développer une production locale photovoltaïque sur les toitures dont les habitants pourraient bénéficier en autoconsommation. Les élus semblent approuver l’idée mais prétendent qu’il faut de l’argent pour la mettre en œuvre.
Conclusion
Amilure rappelle la nature de ses objectifs de préservation du patrimoine paysager, vivant, forestier et naturel du massif de Lure et son opposition au développement industriel photovoltaïque en général sur ce territoire déjà largement impacté et en particulier sur la zone visée,
Epilogue
Cette rencontre aura permis de renouer des relations entre les élus et le collectif, et d’ouvrir une perspective de concertation avec la population.
Note : A cette date, le collectif local s’est constitué en association : celle de la « Sauvegarde des terres d’Albion et du Jabron ».