Amilure

Les amis de la montagne de Lure

Un projet de centrale photovoltaïque au lieu dit Le Grand Bois, à Montfort, soutenu par l’opérateur ENGIE, a donné lieu à une enquête publique pour les permis de construire et de défricher – le dossier est accessible sur le site de la préfecture du 04, à Montfort.

Amilure s’oppose à ce projet pour des raisons exposées dans le courrier reproduit ci-dessous, transmis dans le cadre de l’enquête. Le CNPN (Conseil national de la protection de la nature) s’est aussi exprimé sur la question et son avis est défavorable.

Ce projet s’ajoute donc à ceux que nous combattons.

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A M. le Commissaire enquêteur, dans le cadre de l’Enquête publique préalable au projet constitué par la demande de permis de construire une centrale photovoltaïque et la demande de défrichement du site sur la commune de Montfort

Il apparaît impossible de donner un avis favorable au développement d’une centrale PV au sol dans le secteur convoité par la société ENGIE dit « Le Grand Bois ».

Le projet prévoit d’ouvrir à l’urbanisation 12 ha de zone classée naturelle protégée (Nn) au PLU opposable, en créant une zone Nph destinée a accueillir un projet photovoltaïque de 10,5 ha, en discontinuité de l’urbanisation existante. Or dans le PLU opposable, le Plan d’Aménagement et de Développement Durable (PADD) prévoit une extension du parc des Cigalettes déjà existant, mais n’intègre pas actuellement le site de Grand Bois pour le développement du photovoltaïque.

Cependant une déclaration de projet a été engagée le 7 septembre 2017 pour permettre une centralephotovoltaïque au sol dans le secteur de Grand Bois. Le permis de construire a été déposé le 6 décembre 2019. Il est en cours d’instruction et comprend une demande d’autorisation de défrichement ainsi qu’une étude préalable de compensation agricole qui sera examinée ultérieurement en CDPENAF.

Lors de l’élaboration du PLU la zone de Grand Bois a été définie Nn zone a protéger en raison de la qualité des sites, des milieux naturels, des paysages et de leur intérêt. La zone autorise les équipements publics liés aux énergies renouvelables, à l’exception des éoliennes et des parcs photovoltaïques au sol de plus de 3kWc. La municipalité change son avis en voulant créer une nouvelle zone « Nph ≫, zone naturelle avec l’installation d’énergies renouvelables sur l’emprise du projet. Le règlement autorise ≪ les installations et constructions liées et nécessaires à l’activité forestière ou pastorale ou aux énergies renouvelables ».

Quelle est la motivation de la municipalité ? Ce choix est-il fait dans l’objectif d’augmenter les ressources financières de la commune – qui dispose déjà sur son territoire des deux centrales parc des Cigalettes et parc de Broules – jouant ainsi une carte opportuniste par l’intermédiaire d’un opérateur en recherche de location de sites pour son bénéfice propre ?

Cet effet d’aubaine contribue au mitage d’un paysage déjà fragilisé par les conditions climatiques. Un effet pervers de ce type de décision peut être l’incitation des communes voisines à répondre aussi aux sollicitations d’opérateurs industriels et de ce fait sacrifier de plus en plus de surfaces naturelles, forestières ou agricoles.

D’un point de vue administratif, le site présente une activité pastorale déclarée à la Politique Agricole Commune (PAC). Le projet se situe sur un espace pastoral utilisé et déclaré en surface pastorale avec un prorata de ressources de 60 %, c’est-à-dire que 40 % de la surface ne peut pas être exploitée (rochers, gros buissons, etc.). A ce propos ne faut-il pas s’étonner que certains organismes (chambre d’agriculture notamment) co-signent l’étude préalable agricole du projet, alors qu’ils sont amenés à se prononcer lors de l’instruction réglementaire du dossier de MEC/PLU ?

L’avis favorable sous réserve prononcé par le commissaire enquêteur sur cette première enquête publique n’obère en rien la réflexion qui doit être menée dans le cadre de l’actuelle enquête publique.

Le projet est prévu sur 12 ha de collines, inclus dans un îlot de 100 ha. Le site d’étude est compris au sein de la région naturelle du SRADDET « massifs du Ventoux-Lure ». D’après l’étude d’impact, le site étudié est très diversifié et présente une mosaïque de milieux : différents peuplements boisés matures, des alternances de milieux ouverts et fermés propices à la présence de nombreuses espèces. Les inventaires ont mis en évidence une grande diversité de chiroptères. Même s’il est dit que le projet évite les zones à enjeu fort (ravin de Bouy : zone de reproduction pour deux papillons Diane et Proserpine et de chasse pour les chauves-souris) les enjeux restent définis comme modérés par l’étude d’impact. Notamment au centre de la zone : ilot de sénescence et corridor écologique. L’avis du Conseil national de protection de la nature signé le 8 septembre 2021 est à cet égard beaucoup plus circonspect sur la définition des enjeux et exprime sans ambiguïté un avis défavorable au projet.

Les OLD (obligation légales de débroussaillements) affecteront aussi les marges de la centrale PV envisagée en portant la surface touchée de 12ha à 21,5ha. L’ensemble du périmètre du projet se situe en forêt communale de Montfort relevant du régime forestier. Une autorisation de défrichement est nécessaire et a été déposée, conformément a l’article L 341-1 et suivant du code forestier.

La DDT, dans « Le guide de recommandations à destination des porteurs de projet de parc photovoltaïque au sol » définit plusieurs critères concernant les terrains propices à recevoir ces installations industrielles mais dans ce guide n’est pas considérée la fonction écosystémique d’un espace boisé et le rôle que la couverture végétale joue pour la protection du sol. Ce taillis de chêne pubescent fait partie des peuplements clairement menacés par le dérèglement climatique, nous ne parierons pas sur sa longévité. Dans quelques années il devrait dépérir, le phénomène est annoncé dans les études, et il a commencé sur les sols les plus superficiels du département.

Alors pourquoi pas une surface de panneaux à la place ?

Dans ce cas la question du devenir des souches est intéressante à poser. S’il est conduit comme d’habitude, le défrichement produira un gros tas de souches, il vaudrait le coup de se demander comment ça sera traité – déssouchage ou broyage ? Si c’est le premier cas ce sera « Verdun » pendant quelques mois. Le broyage constitue une solution moins mauvaise mais très énergivore et équivalente à une érosion destructrice… Mais nous aurons une production d’énergie verte, le sol deviendra de moins en moins exploitable bien qu’on nous affirme qu’il sera remis en état à la fin de l’exploitation de la centrale.

Dans 40 ou 60 ans ceux qui auront fait ces choix ne seront plus là pour juger des effets de leurs décisions.

Mais allons-y, consommons nos espaces naturels, pour produire des kilowatts, tant pis pour la stabilité des nappes phréatiques, pour les couverts végétaux et le maintien des strates arbustives abritant la biodiversité en sursis et garantissant la perméabilité et la fertilité du sol. Et si on se préoccupait un peu du fonctionnement biologique des forêts au lieu de ne considérer que leur rendement potentiel de bois exploitable (volume/ha/an) ?

Ne serait-il pas temps de réfléchir à un schéma départemental de cohérence pour l’installation des centrales de production d’énergie renouvelable, en concertant l’ensemble des habitants et de leurs représentants associatifs qui pourraient éclairer les élus sur d’autres points que le seul argument budgétaire. Sur l’intérêt général ou faut-il préférer les termes « intérêt public majeur », il semble évident que la procédure de MEC/PLU est appelée à être largement utilisée pour les projets de centrale PV. Pour autant, l’affichage appuyé de la prise en compte du SRADDET confère-t-il une qualification d’office « d’intérêt général » ? La jurisprudence le dira car d’autres intérêts sont en jeux (environnementaux, services écosystémiques, paysagers, culturels, d’usage…), qui sont tout autant d’intérêt général que la production d’énergie verte !

Mises à jour

Le 7 février 2023, ayant pris connaissance du rapport d’enquête du commissaire, daté du 27 octobre 2021, nous avons porté ce document à l’attention de nos lecteurs et l’avons sévèrement critiqué, tant le ton de l’enquêteur nous a paru déplacé, malvenu et en contradiction avec l’impératif d’impartialité convenant à cette pratique.

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