Amilure

Les amis de la montagne de Lure

Le projet

La société RES a déposé une demande de permis de construire, en date du 31 octobre 2018, pour la réalisation d’une centrale photovoltaïque au sol au lieu-dit Malaga sur la commune d’Aubignosc. Ce projet de 50 ha à l’origine a été revu à la baisse pour une emprise de 5 ha. La société a depuis été rachetée par le Coréen Q Energy.

Le terrain d’assiette du projet est classé en zone N (zone naturelle) et est couvert par un espace vert protégé au PLU. Pour permettre la réalisation de ce projet il est ainsi nécessaire de faire évoluer le zonage du PLU en reclassant le secteur en zone AUpv (zone à urbaniser ayant vocation à accueillir un parc photovoltaïque) et en levant l’espace vert protégé.

Trop de lacunes et de flou

Selon l’avis de l’Autorité environnementale (l’avis de l’autorité environnementale est un avis simple qui ne préjuge en rien de la décision d’autorisation, d’approbation ou d’exécution du projet prise par l’autorité compétente) :

Le projet de construction d’un parc photovoltaïque au sol au lieu-dit « Malaga » se situe sur la commune d’Aubignosc dans le département des Alpes-de-Haute-Provence, à une altitude comprise entre 510 m et 800 m en bordure de la vallée de la Durance, sur les contreforts orientaux de la Montagne de Lure, sur une pente raide (26 %), aride et rocheuse, sur des parcelles communales partiellement boisées. Il consiste en la création d’un parc photovoltaïque d’un seul tenant, permettant d’assurer une puissance de 4,3 MWc, sur une emprise finale de 5,9 ha (parc, pistes à créer et bâtiments annexes), hors OLD (obligations légales de débroussaillement) et pistes DFCI (Défense de la forêt contre les incendies).

L’étude d’impact présente des imprécisions et des insuffisances, en particulier sur la justification du site retenu, qui ne permet pas de s’assurer que ce choix est justifié eu égard à ses impacts environnementaux, notamment sur le paysage, aussi bien à l’échelle intercommunale que communale.

L’analyse des effets cumulés est insuffisante. Les incidences sur le paysage et les activités touristiques, ainsi que des OLD sur la biodiversité n’ont par ailleurs pas été suffisamment étudiées. L’implantation du projet se situe en zone naturelle (N) dans le PLU de la commune et n’est pas compatible avec le zonage et le règlement du PLU. Une déclaration de projet emportant mise en compatibilité du PLU d’Aubignosc a été déposée le 13/05/2019. Il s’agit d’un déclassement de la zone naturelle en zone AUpv (zone d’implantation d’installations photovoltaïques au sol).

Enjeux identifiés par la MRAe

Points positifs Points négatifs
La production d’énergie renouvelable et la diminution des émissions de gaz à effet de serre La préservation du milieu naturel, de la biodiversité et des continuités écologiques sur le site du projet et à ses abords
La préservation des paysages identitaires de la montagne de Lure, l’insertion paysagère du projet et la prise en compte de ses impacts visuels potentiels
La prise en considération des risques naturels susceptibles de concerner le site du projet, et en particulier la vulnérabilité du site au feu de forêt, afin notamment de limiter les risques de départ de feu potentiellement générés par les travaux d’installation ou l’exploitation
Les effets cumulés avec d’autres projets de centrales photovoltaïques ainsi qu’avec des carrières  présentes dans le secteur doivent aussi être pris en compte

Un grand sacrifice pour ça !

Sur la production d’EnR, l’autorité environnementale (AE) note qu’avec une production estimée à 5 856 MWh par an, les 5 ha de la centrale couvriront les besoins d’une population de 1 284 hab, (soit environ 2 fois celle de la commune). Les communes les plus proches sont : Peipin 1455 habitants (2018) Châteauneuf-Val-Saint-Donat 500 habitants (2018), la production paraît bien anecdotique en regard des besoins de la population locale, même sans considérer ceux de la zone commerciale et artisanale de Peipin.

En comparaison la productibilité de la centrale hydroélectrique de Sisteron est annoncée pour 760 GWh  et celle d’Oraison alimentée par le barrage de l’Escale annonce une productibilité de 770 GWh.

L’autorité environnementale a été saisie sur l’autorisation de défrichement et sur le permis de construire. Elle signale toutefois qu’il y a lieu d’obtenir aussi un avis par rapport à la loi sur l’eau et à la loi montagne ; son avis  global est étayé par l’étude d’impact qui est jugée « dans son ensemble de bonne qualité » mais avec des faiblesses notamment sur le bilan carbone de la centrale photovoltaïque (bilan annoncé : réduction de 258 tonnes équivalent C02 par an) sans aucune justification. De la même façon, le rendement estimé (production de 5 856 MWh par an) ne tiendrait pas compte de l’orientation vers l’Est des panneaux PV qui ne serait pas optimale.

Pression désastreuse sur les écosystèmes et nuisances locales

En outre, l’AE pointe de nombreuses lacunes concernant la phase de chantier :

  • les quantités de terre et de matériaux à déplacer (remblais des pistes, sous les constructions, bâtiments techniques) ou à mettre en œuvre (merlons et enrochements des ouvrages hydrauliques, micro-barrages) – en raison du dénivelé du site choisi (26%), un plan de mouvement des déblais et la localisation de l’ensemble des ouvrages à réaliser sont attendus, y compris sur le plan masse ;
  • la position des locaux de la base vie et des différentes zones de stockage ;
  • les aménagements à prévoir pour le passage des véhicules amenant le matériel et devant intervenir sur site (poids-lourds, grues, pelles…) ;
  • la durée des travaux : il est mentionné « plusieurs mois » ;
  • le linéaire et la localisation de toutes les tranchées à réaliser dans l’emprise du site et hors site (raccordement au poste-source notamment) ;
  • le raccordement au poste source n’est pas encore défini : selon le permis de construire, « il y a plusieurs possibilités de raccordement dans la zone du projet, et une étude de faisabilité du raccordement de la centrale de production au réseau public HTA (réseau de moyenne tension, principalement 20 kV en France) montre une solution de raccordement sur le poste source de Sisteron » ;
  • sur les impacts cumulés des divers projets concentrés dans ce secteur géographique (12 projets dans un rayon de 5 à 10 km plus 5 autres « oubliés » dans l’étude), il est dit qu’au regard des nombreux parcs présents ou à venir, qui fragmentent le paysage et les espaces naturels, ainsi que des effets probables cumulés, on ne peut valider que « les impacts cumulés des projets ne conduisent pas à requalifier significativement les impacts propres du présent projet ».

Il résulte du développement de ce nouveau projet, une pression sur les écosystèmes et le paysage (mitage, artificialisation) non évaluée dans le rapport.

Le mépris des recommandations officielles

S’appuyant sur le cadre régional pour le développement des projets photovoltaïques en Provence-Alpes-Côte d’Azur (février 2019) reprenant le SRCAE (Schéma régional de l’air, du climat et de l’énergie), l’AE rappelle que « les porteurs de projet doivent se diriger préférentiellement vers les sites anthropisés dégradés ou pollués, les sites non utilisables pour d’autres usages » et que « les espaces forestiers, comme les espaces agricoles, n’ont pas vocation à accueillir des parcs photovoltaïques ». Il est prescrit que :

l’implantation [de parcs photovoltaïques au sol] dans les espaces forestiers, agricoles ou naturels ne pourra être envisagée qu’aux conditions cumulatives suivantes :

• d’avoir examiné les possibilités foncières à la bonne échelle (au niveau du SCoT et du PLUi) ;
• s’être assuré, selon une analyse multi-critères, de l’absence de faisabilité du projet en espace déjà anthropisé ;
• sous réserve du faible impact environnemental et paysager (voir « grille de sensibilité ») du projet et en analysant la recherche du plus faible impact possible par comparaison avec des sites alternatifs.

Conformément à l’article R 122-5 du code de l’environnement, il est attendu une description des solutions de substitution raisonnables qui ont été examinées par le maître d’ouvrage . Ce projet étant situé dans un espace naturel, il est attendu une identification des zones de moindres enjeux environnementaux, agricoles, forestiers et paysagers, avec une analyse comparative de solutions alternatives de localisation du projet photovoltaïque à l’échelle intercommunale. Si le porteur de projet présente bien 3 variantes qui ont été étudiées avant de retenir celle retenue, ce sont seulement différentes configurations du même projet sur le même site qui sont décrites et non une analyse comparative de solutions alternatives de localisation du projet photovoltaïque à l’échelle intercommunale.

Pourquoi ces balafres dans un paysage remarquable ?

Concernant l’atteinte au paysage, la MRAe pose un véritable plaidoyer pro domo de défense de la montagne de LURE et conclut sur l’analyse de seulement 4 photomontages : « Chacun de ces photomontages montre que le parc photovoltaïque se perçoit comme une « pièce rapportée » dans un environnement naturel. Par son étendue, sa géométrie et son artificialité, il porte atteinte à l’harmonie et à l’intérêt des vues sur la Montagne de Lure » .

L’AE ajoute que l’impact sur l’économie touristique n’a pas été évalué suffisamment, l’intérêt culturel et emblématique de la montagne de Lure doit être pris en compte et défendu y compris en reconsidérant le choix de ce site.

Enfin est évoqué l’enjeu de la biodiversité, l’AE dément l’étude d’impact, quand elle annonce que « la seule protection présente sur site étant une ZNIEFF de type 1, compatible avec l’installation d’un parc photovoltaïque ». Or, une ZNIEFF de type 1 n’est pas, par nature, compatible avec l’installation d’un parc photovoltaïque (le cadre régional pour le développement des projets photovoltaïques en PACA, classe les ZNIEFF de type 1 comme des zones à forts enjeux).

L’avis de la CDNPS

La Commission départementale de la nature, des paysages et des sites (CDNPS) a émis un avis favorable avec les réserves suivantes le 18/12/2020 :

  • Maintenir l’activité agricole via un zonage naturel et un règlement adapté
  • Compenser l’impact sur la Fauvette-Pitchou et d’autres espèces protégées
  • Vérifier la conformité du projet à la trame verte
  • Ne pas porter atteinte au patrimoine géologique présent
  • Faire une étude paysagère sur le versant Sud de la montagne de Lure et les autres collectivités

Ces réserves devront impérativement être levées par le porteur s’il souhaite aboutir.

Notre conclusion

En nous référant à ces arguments mais aussi dans la logique de notre défense du patrimoine naturel contre l’industrialisation des espaces agricoles et forestiers, nous pouvons nous prononcer résolument contre ce projet.

Mise à jour

Nous publions le 22 février 2022 le point sur la procédure. Une enquête s’ouvre bientôt à laquelle il faudra exprimer tout le mal qu’on pense de ce projet.

Le 13 février 2023 Amilure a déposé deux recours au tribunal administratif de Marseille contestant la légitimité des permis de construire et de défrichement de la société Q Energy France concernant ce projet.

Août 2024 : l’audience qui permettra au tribunal de juger ces recours n’est toujours pas fixée. Ils ne sont pas suspensifs mais l’opérateur et la municipalité ont choisi d’en attendre l’issue plutôt que d’avancer avec le risque de voir les travaux d’aménagement entachés d’illégalité.

Note : par exemple sur Cruis, la société Boralex n’a pas eu cette prudence et le regrette aujourd’hui.

 

index projet : #aubignosc-malaga

5 commentaires sur “Malaga, à Aubignosc

  1. Le jour où nos gouvernants arrêterons de prendre des décrets pour surpayer les énergies renouvelables, et ramener ainsi, les loyers de location de terrain à une valeur raisonnable, la folie s’arrêtera, notre facture d’électricité n’en sera que plus légère, et les régions touristiques conserveront leur cachet !

  2. S’il est vrai que sous nos latitudes le soleil éclaire et chauffe la terre quelques heures chaque jour, le moyen photovoltaïque pour capter cette énergie utilise des terres rares dont les réserves sont limitées et dont l’extraction cause de graves dommages à la nature.
    De plus la production des panneaux photovoltaïques est une activité très polluante qui émet des gaz à effet de serre d’une extrême puissance dont il doit être tenu compte .
    D’après le GIEC le photovoltaïque émet (45g/kwh de CO2)c’est à dire trois plus que le nucléaire (15g/kwh) qu’il est sensé remplacer pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre.
    la MRAe sait cela aussi bien que moi alors elle fait appel aux mythiques termes d'”énergie renouvelable” qui lui sert à abuser la population.

    1. Merci pour votre commentaire.

      Nous espérons que tous nos lecteurs prendront la peine de contribuer à cette consultation qui, pour mémoire, se termine le 20 avril. On peut transmettre directement son appréciation par mail, à cette adresse : plu-aubignosc@mairie-aubignosc.fr.

  3. Inlassablement je poserai le problème de la croissance exponentielle de demande d’électricité. Dans un contexte de nouveaux besoins pas du tout indispensables, voir superflus. …la décarbonation est un leurre !
    Le grand mal auquel personne ne s’attaque est le marché privé d’électricité. Par essence ce marché ne peut qu’accelerer la destruction de la planète.

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