L’Etat, par l’entremise du ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires, du ministère de la Transition énergétique et du secrétariat d’Etat chargé de la Mer, a lancé une consultation publique. L’objet de cette consultation est la validation d’un décret qui viendrait simplifier les exigences d’intérêt public majeur pour les projets énergétiques sur le territoire, normalement soumis pour autorisation à un certain nombre de critères. L’un de ces critères est « la réponse à une raison impérative d’intérêt public majeur », ou RIIPM.
La conséquence directe et mécanique de la simplification envisagée serait la multiplication des projets EnR et une perte de contrôle de leur adéquation en regard des attentes socio-environnementales qui encadrent normalement ces décisions.
C’est dans ce sens qu’Amilure exprime sa position dans le cadre de cette consultation. Vous pouvez contribuer jusqu’au 24 novembre.
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Projets de décrets relatifs aux installations de production d’énergie renouvelable et les projets de réacteurs électronucléaires
Contribution en application de l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement.
Les seuils proposés pour la RIIMP couvrent la majorité des projets EnR en France. Là est le problème. Le gouvernement le reconnaît d’ailleurs d’emblée :
« Ce point peut s’avérer délicat à démontrer pour des projets d’énergie renouvelable de taille modeste et est source de fragilité juridique, quand bien même la transition énergétique nécessite la concrétisation de tels projets ».
Nous comprenons l’impératif d’électrification des usages dans le cadre du combat contre le réchauffement climatique. Nous ne contestons à priori aucun moyen de production énergétique, en autant que ces unités productives ne constituent pas une superposition inutile de moyens et ne causent pas de dommages à la biodiversité et aux paysages emblématiques du pays.
Le fait d’établir des seuils aussi bas peut sembler a priori productif, mais est-il raisonnable de considérer un projet photovoltaïque de 4 ha d’intérêt public majeur ? De tels seuils ne sont-ils pas un appel d’air pour une multiplication de petits projets dont le coût de gestion par RTE, et celui des postes source à construire ponctionneront les finances déjà fragiles de l’état pour un rendement somme toute bien faible ?
Notre association veille à la protection de la Montagne de Lure et du plateau d’Albion, lieux emblématiques de la haute Provence. Notre principale inquiétude est la multiplication de petits et moyens projets ayant pour effet le mitage des versants de Lure. Dans ce contexte, donner d’office le blanc-seing d’intérêt public majeur à tout projet de plus de 2,5 Mwc nous semble dangereux, voire irresponsable.
La RIIPM devrait être une question d’appréciation dans le cadre d’une région ou d’un écosystème mis en péril par un projet, et non pas une définition nationale, générale et standardisée qui englobe tous les projets, sans distinction. La RIIPM devrait se réserver au soutien de projets majeurs dans le cadre de la transition énergétique, et non pas se diluer sur une multitude de projets moins ambitieux.
Par ailleurs, dans la mesure où la RIIMP est une des trois conditions cumulatives strictes pour l’obtention d’une dérogation « espèces protégées », la proposition de seuils est d’autant plus importante que la qualité des études d’impact est généralement de piètre qualité. Dans ce contexte, l’obtention automatique du label “Intérêt General majeur” nous semble constituer un pas en arrière dans la défense de l’environnement et nous ne pouvons en l’état, que nous y opposer.
Il nous semble également logique, dans la mesure où la RIIMP restera en force jusqu’au moment où la production d’une filière (éolien, photovoltaïque, méthanisation, etc. ) atteint les objectifs de la PPE, que les décrets ne soient publiés qu’après la prochaine révision de la PPE (2024-2033).
Finalement, la RIIPM ne devrait pas considérer les objectifs nationaux de la PPE, mais bien les objectifs départementaux, ceci restant dans la logique du décret tout en reconnaissant les spécificités régionales du pays.
Illustration © François Cointe
Le scandale du 1% des plus riches, coupables d’autant d’émission carbonée que 67% des plus pauvres devrait avoir la priorité, me semble-t-il, sans l’omettre pour autant, sur notre souci provincial, sachant qu’en France la politique forestière est loin d’être aussi dramatique qu’annoncé par certains.
A lire, je l’espère, dans l’esprit de confrontation d’opinions et non de polémiques vaines.
Je ne parviens pas à savoir si vous prônez ou non les énergies renouvelables et, éventuellement, lesquelles. Merci.
Merci pour votre commentaire. Nous répondons cependant à cette question un peu partout dans le site, notamment dans notre manifeste, dans nos positions et dans le tableau de nos actions, où certains projets sont dans la catégorie « soutenus » et d’autres, par manque d’information définitive, dans la catégorie « suivis ». Beaucoup sont effectivement « combattus ».
Le dérèglement climatique et la précarité énergétique nous engagent à la sobriété et donc à un changement de nos habitudes de production et de consommation, mais aussi à l’électrification des usages afin de remplacer les énergies fossiles. Dans ce contexte les EnR ont un rôle à jouer, mais l’Etat pousse à la précipitation et les industriels emboîtent logiquement le pas.
Il se trouve que notre périmètre d’action, la montagne de Lure et le plateau d’Albion, est très peu urbanisé, constitué de paysages emblématiques, de zones naturelles, de forêts et de terres agricoles. Ce territoire est mal protégé contre les incitations intempestives de l’Etat et les industriels l’investissent à mauvais escient, dans le seul but d’engranger des bénéfices brutaux et sans aucune considération pour les enjeux naturels et culturels.
A l’heure actuelle, ce sont quasi uniquement des projets photovoltaïques qui émergent autour de nous. Notre mission est de veiller à ce que ces projets ne soient pas destructeurs puisque l’Etat s’en soucie peu. Nous soutenons leur implantation sur les zones anthropisées ou dégradées, sur les toits, les ombrières, etc. Mais nous restons particulièrement vigilants pour protéger nos forêts (puits de carbone), notre biodiversité et notre filière agricole.
D’accord, Amilure, les forêts sont indispensables, plus encore que jamais, même si la France, “passée de 8,5 millions d’hectares en 1850 à 17,1 millions d’hectares en 2022 a retrouvé le niveau approximatif de la forêt du Moyen-Âge” (https://franceboisforet.fr/la-foret/la-foret-francaise-en-chiffres/).
La fin du mitage pavillonnaire à tout-va y contribuera.
D’accord aussi pour l’implantation de zones voltaïques en “Anthropie”, sans en imposer le spectacle dépressif aux urbains, ce qui contraindra sans doute à des dérogations, avec obligation, espérons-le, de planter au moins autant d’arbres qu’abattus.
Pourriez-vous, par ailleurs, évaluer la différence de coût pour le contribuable entre un hectare de panneaux voltaïques et l’équivalant sur les toits, nécessitant échafaudages, etc., et infligeant au regard, là encore, un paysage détestable.
Me voilà rassuré : vous semblez rejeter l’option nucléaire.
JMB, octogénaire soucieux de l’avenir des jeunes générations.
Votre commentaire montre la complexité des enjeux. Merci de nous donner l’occasion de les éclairer.
1. Selon de multiples sources (que vous retrouverez), les émissions de dioxyde de carbone ont été multipliées depuis 1850 par un facteur d’environ 170, tandis que la forêt française aurait doublé. Par ailleurs, la capacité des forêts de la planète à absorber le CO2 est en forte diminution (sources multiples aussi). L’argument de l’augmentation de la forêt française, que brandissent certains pour rabattre le caquet de ses défenseurs, est balayé par ce constat statistique sans appel. Il l’est aussi du fait que l’évolution du climat est un phénomène planétaire, or si la « forêt du nord » est en expansion celle du sud est en net retrait, pour un solde global significativement négatif.
2. L’enjeu des paysages est réel, pas seulement pour une question d’esthétique mais aussi pour prendre en compte un impact social non négligeable, que les industriels minorent systématiquement alors que des alternatives existent. La vigilance est de mise et nos positions le démontrent régulièrement. Cela dit, des changements culturels sont à prévoir et le conservatisme absolu n’est pas de mise ici – nous ne le défendons pas.
3. La comparaison entre les panneaux solaires sur toit et ceux des champs (ou des forêts) n’est pas simple. L’économie d’échelle est évidente (1 kilowatt-crête coûtera beaucoup plus cher à mettre en place sur un toit que dans un champ de panneaux de 20 ha). Mais cette rentabilité sert uniquement les industriels (souvent étrangers) et les industries (presque toujours étrangères). Une installation individuelle profitera surtout à son propriétaire, et de plusieurs façons : ce qu’il autoconsommera ne fera pas l’objet de pertes dues au transport ; de même pour ce qu’il injectera dans le réseau pour les usagers proches ; une fois producteur d’électricité, on le voit, l’utilisateur devient hyper conscient de sa consommation et des optimisations possibles, pour une consommation générale moindre et un bilan d’autonomie évidemment très supérieur ; l’investissement sera toujours amorti compte tenu de la durée de vie des installations, l’autoconsommateur restant relativement à l’abri de la hausse des tarifs d’électricité.
4. Nous ne préconisons pas « l’option nucléaire » mais nous ne la rejetons pas. Nous constatons simplement que toute production d’énergie a un coût environnemental et que ceux qui ont choisi de s’affranchir du nucléaire (bel exemple outre-Rhin) en payent le prix par un accroissement spectaculaire de leurs émissions – au détriment certain des « jeunes générations ».
La sobriété est un élément de solution plus intéressant, selon nous, mais elle est le plus souvent évoquée à la légère, sans réelle conscience de l’envergure que demanderait la démarche si l’on voulait qu’elle ait un impact réel.
* Ne me croyez pas désinformé. Je m’en tenais à la France métropolitaine, n’ignorant pas, par exemple, le drame de l’Amazonie, ou encore les avantages du “toiturage des particuliers” en “voltaïque” (raccourcis pour abréger).
* Prendre comme point de référence “le début de l’ère industrielle” me semble plus précis et signifiant que “1850”.
* Nucléaire : l’Allemagne est un mauvais exemple. Fermeture trop hâtive des réacteurs + imprudence de Merkel avec Poutine (accord Nord stream 2).
* Dangerosité du nucléaire (épée de Damoclès) + déchets laissés en héritage pour des siècles aux générations futures –>tout frein ou ralentissement de la production d’énergie propre et renouvelable, alors que la France est déjà très en retard, est mortifère.
* Origine des panneaux : sur les toits ou dans les bois, quelle différence éthique de fabrication. Aucune, certainement.
* Espace limité pour m’étendre.
Je vous suggère de transmettre ce genre d’informations importantes par mail aux membres d’Amilure. Cordialement.
Tout à fait dans la logique de ce gouvernement qui refusant de consulter le citoyen, impose sa transition punitive !
Merci de cette contribution lucide d’Amilure sur ces projets de décrets.
Pour des informations complémentaires polémiques; https://ventdebout59.fr/permis-enveloppe/
le chargé de communication de l’Atelier Anonymus,
chrystophe grellier