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Planification des EnR en intercommunalités des 04 et 05

Observations sur le rapport de présentation de l’état des lieux aux intercommunalités des Alpes-de-Haute-Provence servant d’Appui à la planification des énergies renouvelables par les collectivités (EPCI), réalisé par l’Unité interdépartementale de conseil aux territoires des Alpes du Sud (UICTAS).

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Les ministères en charge de la transition écologique et de la cohésion des territoires ont mis en place, dans les départements ruraux, des unités d’appui aux collectivités pour faire émerger des projets ambitieux adaptés à leur environnement. C’est ainsi que les Directions départementales des territoires (DDT) des Alpes-de-Haute-Provence et des Hautes-Alpes proposent un nouveau service de conseil aux collectivités en amont de leurs projets : l’Unité interdépartementale de conseil aux territoires des Alpes du Sud (UICTAS).

Enjeux du projet :

  • développer un mix-énergétique renouvelable sur les territoires des EPCI (Établissement public de coopération intercommunale), en adéquation avec les potentiels et contraintes de chaque territoire ;
  • donner les clés (boîte à outils) pour que les EPCI soient moteurs du déploiement des Energies renouvelables (EnR) collectives sur leur territoire ;
  • Définir une stratégie de développement sans dépendre des sollicitations au coup par coup des porteurs de projet ;
  • Améliorer l’acceptabilité locale des projets d’EnR.

Un travail a été mené par cette nouvelle unité à l’échelle des Alpes du Sud (départements 04 et 05), intitulé « Appui à la planification des énergies renouvelables par les collectivités ».

Un espace unique a été identifié dans le SRADDET : l’espace alpin. Les deux départements des Alpes du Sud présenteraient en effet une histoire similaire dans leur développement des énergies renouvelables, notamment l’hydroélectricité et ils disposeraient d’opportunités, de besoins et de contraintes semblables. Il existe par ailleurs un chevauchement de certaines collectivités sur les deux départements, et les deux préfectures ont conjointement commandé ce rapport.

La stratégie de développement de ces énergies est unique, mais sans prendre en compte les caractéristiques de chaque département ni les réalisations déjà productives dans chacun d’eux et leur bilan énergétique respectif.

Il s’agirait de rendre acceptables les projets de production issue d’un mix énergétique (grand éolien, centrales photovoltaïques au sol, centrales à biomasse dites bois-énergie collectif, hydroélectricité (grande et petite), méthanisation, géothermie) soutenus ou voulus par les collectivités.

Toutefois on « autorise à compléter » la production par d’autres dispositifs comme le photovoltaïque en toiture et en autoconsommation ou l’isolation des bâtiments mais sans que cela réduise la production d’énergie collective. Cette production électrique a pour vocation d’être injectée dans le réseau collectif.

À propos du mix énergétique, l’analyse révèle que ce territoire est très en avance sur certaines EnR : pour l’hydroélectricité les objectifs 2030 sont dépassés et pour le photovoltaïque ils sont presque atteints. En outre, il est dit que face aux documents de cadrage nationaux et régionaux « très ambitieux », les collectivités et les services de l’Etat ont conscience de la nécessité de planifier les EnR à l’échelle de l’intercommunalité. Des contraintes d’implantation sont pointées relatives au relief, au paysage et à l’environnement. On note aussi l’effet de plus en plus fort du cumul des implantations, conduisant à la saturation et diminuant le taux d’acceptation des projets,  du fait « d’idées reçues persistantes », expression qu’on ne daigne pas préciser.

Poursuivant la présentation du document de référence, on accède à la synthèse de la consommation énergétique du département 04 qui, en 2018, s’élevait à environ 4 TWh (un térawatt/heure, soit un milliard de kilowatts/heure) dont la moitié issue de produits pétroliers. Les différentes sources de la consommation énergétique sont détaillées (électricité, gaz, bois énergie). La synthèse montre que dans les Alpes du Sud, les énergies privilégiées sont l’électricité et le bois énergie après le fioul.

On calcule que la consommation moyenne dans les Alpes du Sud s’élève à 7,5 MWh/hab (par habitant), moyenne du total de la consommation de la région ramené au nombre d’habitants. Ce total inclut donc industries et secteur tertiaire. Au niveau purement résidentiel, la consommation annuelle dans les Alpes-de-Haute-Provence est de 2 636 kWh/hab ce qui représente 0,96 % de moins que la moyenne en France (EDF).

Suit la présentation des productions énergétiques du territoire. On montre que l’hydroélectricité est de 2 types : centrales au fil de l’eau (soumises à autorisation et produisant en continu sans capacité de stockage) et centrales de lac, gérées par EDF, pouvant produire en continu une grande puissance de pointe.

Dans le 04, cette production était en 2020 de 3,5 TWh. Cela permet de dépasser les objectifs « haut » 2023 et 2030 qui sont les mêmes dans le SRADDET.

L’hydroélectricité permet de produire presque 12 MWh/hab, soit plus de 1,5 fois la consommation par habitant des Alpes du Sud.

La présentation donne ensuite de manière étonnante une nouvelle synthèse pour l’hydroélectricité des Alpes du Sud qui exclut la production des centrales de lac au prétexte qu’elle est utilisée pour pallier l’intermittence nationale.

Ce procédé comptable est bancal : il n’est pas logique de retirer de ce bilan la production de nos grandes centrales (au prétexte qu’elle est issue des équipements nationaux palliant l’intermittence) tout en incluant la totalité de notre consommation (y compris celle qui puise justement dans les réserves nationales). On comprend la logique sous-jacente ici : les centrales financées directement par EDF sont considérées comme un investissement national dont ne peuvent se prévaloir les collectivités locales. Outre l’illusion d’optique qu’engendre ce biais, il fait complètement abstraction du coût environnemental de ces grosses installations, que payent les habitants et les écosystèmes riverains, participant ainsi de manière importante aux investissements.

On suppose que cette manipulation des chiffres sert à fournir aux EPCI des arguments pour convaincre leurs administrés de leur responsabilité (voire de leur culpabilité) en matière de production EnR – nul doute qu’ils seront repris en toute candeur par les élus et les techniciens qui n’y auront pas regardé de plus près.

La production photovoltaïque du département 04 est en 2020 de 440 GWh. Cela ne permet d’atteindre que 3/4 de l’objectif bas 2023 du SRADDET, et la moitié de l’objectif bas 2030. Mais si, dans une perspective EnR globale toutes sources confondues, on prenait en compte les 3 500 GWh de production réelle d’hydroélectricité, on atteindrait quasiment 4 TWh, ce qui correspond à la consommation totale d’énergie de ce département. Nous serions alors à l’équilibre, et peut-être même en autonomie compte tenu de la part hydroélectrique, non soumise à l’intermittence.

Le reste de la présentation démontre qu’avec seulement 44 centrales photovoltaïques en service dont la production affichée pour 2019 est de 440 GWh,  le territoire des Alpes du Sud produit chaque année environ 1,7 MWh/hab, nettement moins que la consommation de 7,5 MWh/hab (industries comprises).

Une limite est indiquée montrant que le taux de couverture solaire (au sol) en PACA permet d’assurer au maximum 9% de la consommation énergétique de la Région, compte tenu de l’opposition entre les pics de production estivaux et les pics de consommation hivernaux.Quant aux autres sources EnR, plus anecdotiques que productives :

  • la filière bois énergie avec 36 GWh atteint les objectifs bas du SRADDET pour 2023 et 2030 ; utilisant principalement du bois déchiqueté (plaquette forestière) les 45 chaudières alimentent des bâtiments publics et/ou des réseaux de chaleur ;
  • l’éolien est source de démarchage mais les projets n’ont pas abouti… pour le moment ;
  • la méthanisation est peu développée – seulement 2 projets : l’un sur les agglomérations P2A (Provence Alpes agglomération) et DLVA (Durance Luberon Verdon agglomération) et un réseau de co-génération à Valensole sur le site d’enfouissement des déchets ;
  • on trouve de la géothermie sur 2 réseaux de chaleur (Corbières et Sisteron ) ainsi que sur un projet CCVUSP (Communauté de communes Vallée de l’Ubaye Serre-Ponçon).

La synthèse de la production électrique des Alpes du Sud montre que ce « territoire produit près de deux fois plus d’énergie renouvelable électrique qu’il ne consomme d’énergie électrique ». Toutefois du fait d’un raisonnement spécial faisant sortir une grande partie de la production hydroélectrique de la somme totale réellement produite la conclusion du document est qu’en termes d’énergie « utile » (sans la grande hydroélectricité, utilisée pour pallier des besoins nationaux), les Alpes du Sud ne fournissent « que » 56 % de leur consommation électrique en EnR.

La fin de la présentation décrit les diverses propositions « pour alimenter l’élaboration de stratégies de développement des EnR » :

  1. définir les priorités :
    • PV au sol (en application de la doctrine départementale),
    • l’éolien (traitement au niveau régional),
    • amélioration de l’hydroélectricité (qui a déjà atteint les objectifs du SRADDET) ;
  2. cartographier les zones à enjeux du territoire (zones rédhibitoires , zones aux EPCI volontaires) :
    • définition des critères (disponibilité de la ressource, accès au réseau, acceptation/concertation),
    • application de la démarche ERC (éviter réduire compenser) lors de l’analyse,
    • cartographique des projets des opérateurs et de leurs études ;
  3. construire une « boîte à outils » à destination des collectivités pour les aider à :
    • lutter contre les idées reçues et améliorer la connaissance des EnR,
    • connaître les montages juridiques et financiers possibles pour la production d’EnR et des réseaux de chaleur,
    • connaître les acteurs dans le département pour développer les EnR.

Ce document doit être complété d’une cartographie des zones de développement EnR potentielles, qui devrait être présentée en septembre lors d’états généraux des EnR.

En conclusion, on comprend que des moyens conséquents sont mobilisés et des initiatives encouragées pour relever le niveau des EnR dans notre région. On note cependant dans ce discours l’absence d’une notion pourtant fondamentale aujourd’hui, qui apparaît en creux : la sobriété. Cette étude reste au service d’objectifs relativement déconnectés des réalités sociales et sociétales, qui sont pourtant au centre du débat. Si les usages n’évoluent pas, toutes ces stratégies d’optimisation resteront lettre morte face à la dégradation de notre environnement planétaire.

Planification des EnR en intercommunalités des 04 et 05

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