Le 16 octobre à L’Epine (05) a eu lieu une rencontre dans le cadre de l’Appel pour des Forêts Vivantes lancé à l’échelle nationale début août. L’événement, organisé par le collectif « Soupes et Bobines », la Confédération paysanne 05 et SOS Forêt PACA, avait été relayé dans nos pages et portait l’intitulé :
Artificialisation des terres et photovoltaïque dans le Buëch :
Est-il bien normal de détruire forêts et champs au nom de la transition énergétique ? Que faire ?
Pierre Honoré, administrateur d’Amilure nous y représentait. Il partage ici ses notes de mission.
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Nous étions entre 50 et 60 personnes à répondre à cet appel, plusieurs associations du secteur Buëch (forêt de Sérigon, APCAE), ou plus éloignées – collectif Elzeard, Amilure, plusieurs ex-ONF et forestiers, et des naturalistes (dont CEN PACA).
Un groupe de Mexicains, invités par Longo Maï, est aussi venu présenter la lutte des indigènes confrontés aux multinationales (dont EDF Mexique) qui veulent exploiter les ressources de leurs territoires. Ils se défendent sous plusieurs formes : entrisme politique (conseil national indigène) ou lutte armée (zapatistes).
Une petite marche nous a permis de découvrir le projet qui se développe au sommet d’un massif forestier à population mixte, feuillus et résineux. Une quarantaine d’hectares y a été défrichée pour construire une centrale photovoltaïque au sol.
La commune de L’Epine a été sollicitée il y a quelques années pour implanter sur cette crête, surplombant la vallée, plusieurs éoliennes. Une réaction de la population locale a permis de rejeter ce projet mais à la place Engie a proposé à la commune une centrale PV, comme il en existe une non loin de là, au-dessus d’une autre vallée. L’association n’a pas réagi assez vite, ni avec assez de conviction, estimant que de deux maux le PV était le moindre. La procédure administrative s’est engagée vivement, les autorisations ont été obtenues et les travaux ont été engagés. C’est actuellement un coup parti qu’il est impossible d’arrêter.
Le parallèle avec ce que subissent les populations autochtones dans le monde, et particulièrement les pressions qu’ont décrites les « résistants » mexicains, en lutte contre les grands appétits des multinationales en quête de profit, est apparu évident : oui, nous aussi sommes des « indiens », et notre territoire peu peuplé et ensoleillé est tout autant convoité.
Le lien avec l’appel pour une forêt vivante s’est révélé évident quand nous avons découvert le terrain défriché. Comme on peut le lire dans une tribune publiée par le quotidien « Le Monde » :
On trouve, dans cet appel, des collectifs citoyens, des exploitants forestiers alternatifs, des associations, des habitantes et habitants, des collectifs militants, des fonctionnaires de l’Office national des forêts (ONF) qui refusent le productivisme. Des gens pour qui une forêt, et la manière dont elle est traitée, cela importe.
L’impact de ce défrichement expliqué sur place par un forestier a permis de comprendre qu’en dépit de ce que prétendent les opérateurs, il sera bien difficile de reconstruire un milieu naturel après que la centrale photovoltaïque aura cessé d’être exploitée. Ces espaces resteront sûrement destinés à une future exploitation PV par remplacement des panneaux.
L’après-midi a été consacré à un débat sur les modes de résistance que plusieurs intervenants ont décrits, liés aux situations locales qu’ils vivent. Pour notre secteur géographique c’est Jacques Berguerand (dit Jakson), du collectif Elzéard-Lure en résistance, qui a présenté la situation du mitage de la montagne de Lure et qui n’a pas oublié de mentionner l’action d’Amilure, notamment sur les plans administratifs et juridiques.
Le débat est toujours difficile entre tenants du 100% EnR et ceux qui doutent du réalisme de cette position, en parlant sobriété, décroissance, et mix énergétique – comprenant potentiellement le nucléaire, bien que cela ait été peu évoqué.
A l’issue du débat, un marché paysan et une table ronde autour de « Cause animale, cause paysanne » étaient organisés par la Confédération paysanne, et une fête était programmée. Je n’ai cependant pas participé à cette fin de journée.