Prémisses
Un projet de centrale photovoltaïque couvrant 16,7 hectares des territoires accessibles de la montagne de Lure, sur la commune de Cruis, visible à des kilomètres à la ronde, menace de dégrader à court terme une partie significative de la montagne :
Sur le montage ci-dessus, qui reprend exactement le périmètre du projet tel que défini dans l’étude d’impact, l’implantation photovoltaïque est représentée en blanc. À cet endroit, la pente est d’environ 18%, ce qui laisse prévoir une grande visibilité en élévation. On constate par ailleurs que la zone est entourée d’espaces cultivés ou cultivables, à l’encontre des critères d’implantation de la DDT. Le village de Cruis, à l’ouest, paraît tout petit par comparaison.
Pétition
Plus de 19 000 personnes ont signé une pétition en ligne contre le projet – vous pouvez accéder à cette pétition et y ajouter votre signature.
Analyse
Qu’importe qu’un permis de construire ait hâtivement été accordé en février 2017. Aujourd’hui, ce projet bafoue la nature et ne respecte absolument pas les recommandations émises en juin 2018 par la Direction Départementale des Territoires (DDT) de notre Département. Voir le détail de notre analyse.
Pourtant, l’opérateur persévère et souhaite avancer, sans aucune considération pour cette situation contradictoire.
Outre l’atteinte au site naturel, ce projet entraîne la destruction d’une forêt en pleine régénération qui devrait être et demeurer intouchable et menace de disparition plusieurs espèces de faune et de flore protégées, dont deux espèces d’oiseaux.
Opposée aux inutiles, dévastateurs et coûteux projets d’éoliens industriels, mais bien sûr résolument attachée à une transition énergétique maîtrisée, l’Association « Les Amis de la Montagne de Lure » s’est prononcée pour soutenir des projets photovoltaïques respectant, a minima, dans l’esprit et la lettre, le guide émis rédigé par la DDT 04.
Ce projet auquel s’opposent de très nombreux habitants et visiteurs des communes concernées, démontre encore une fois le rôle et les positions néfastes prises par des opérateurs peu soucieux de l’intérêt général et de la conservation de notre territoire et de ses sites naturels.
On accède ici à l’étude d’impact sur l’environnement par l’industriel Boralex.
Actions
Nous avons fait part au préfet de notre position et du succès retentissant de la pétition.
Nous n’avons pas été entendus par la préfecture, ni par la sous-préfecture de Forcalquier en charge des autorisations des différentes instances (guichet unique). Il restait cependant un verrou à lever pour le projet : la dérogation pour espèces protégées requise par l’opérateur puisque des espèces végétales et animales protégées avaient été identifiées sur le site.
La DREAL a instruit ce dossier, en accompagnant l’opérateur dans sa proposition de mesures compensatoires, démarche obligatoire pour obtenir la dérogation. Le CNPN (Conseil national de la protection de la nature) a ensuite statué sur ce dossier, en rendant un avis défavorable.
Contrairement à l’usage selon lequel la DREAL appuie l’avis du CNPN, elle a transmis à la préfecture un projet d’arrêté favorable, ce qui a permis au préfet d’invoquer une décision de la DREAL. Il est intéressant de constater dans les dates des documents échangés à cette occasion, visibles ici, que la DREAL a rédigé sa synthèse avant même que l’opérateur ne réponde aux arguments du CNPN. La pression de la préfecture sur cette décision est parfaitement visible.
L’arrêté préfectoral a été émis le 17 janvier 2020. Le 12 mars 2020, un recours gracieux a été déposé par nos soins invoquant les multiples irrégularités de la procédure. Deux mois plus tard, l’absence de réponse de la préfecture signifiait le rejet de ce recours mais début juillet le préfet a néanmoins formulé son rejet. Le 15 juillet nous déposions un recours contentieux qui nous amènera au Tribunal Administratif de Marseille.
Il semble que, depuis, l’opérateur ait décidé de surseoir aux travaux de défrichement qui auraient dû commencer début septembre 2020 – à confirmer.
Par ailleurs, un groupe d’action local, « Elzéard, Lure en résistance », s’est constitué pour combattre ce projet ainsi que celui d’Ongles. Dans ce contexte une manifestation s’est déroulée sur Cruis le 5 juillet, relatée dans ces pages.
Mises à jour
Le 29 juillet 2020, La Provence a publié un article sur le groupe Elzéard et les projets d’Ongles et de Cruis. Comme ce texte comprenait un certain nombre de faussetés dans le discours des élus interrogés, nous avons voulu les corriger pour lutter contre la désinformation de la population.
Dans le cadre du projet de Cruis, ces corrections ont pris la forme d’une tribune, publiée sur le site d’information Cruis citoyen.
Le 23 janvier 2021, un éditorial de Cruis citoyen démonte à son tour une série de fausses informations prononcées par le maire de Cruis, et relayées par Haute-Provence Info (HPI), sous la plume du journaliste local, qui appartient au conseil municipal de ce village.
Nous avons par ailleurs écrit : « 1 février 2022, le permis de construire de ce projet est devenu caduc. La procédure juridique initiée en 2020 suit toujours son cours, mais le jugement ne portera que sur la logique des argumentaires, pour faire le droit : il ne sera pas applicable à un permis qui n’a plus cours. Boralex peut cependant toujours en déposer un nouveau, peut-être après le jugement. »
Par la suite nous avons compris que, suite à un dispositif mis en place le 1er août 2021, les permis de construire de ce type de projet sont prorogeables jusqu’à 10 ans après leur attribution, et que les permis de défrichement étaient prorogeables dans la mesure des délais induits par un recours contentieux, même si ce recours n’est pas suspensif (être logique ? pourquoi faire ?).
Le 19 septembre 2022, Boralex était donc dans son droit pour commencer à 6h du matin le défrichement du périmètre prévu pour l’implantation photovoltaïque – dans son droit mais de manière furtive, en n’affichant pas son permis de défricher dans le respect des règles, et en préjugeant de la future décision de justice en détruisant les espèces protégées et leur environnement, enjeu du recours. La mobilisation des opposant fut sans effet : la force l’emporta, comme le relate cet article. Une dernière publication fait le point sur les aspects juridiques de la situation.
Le 19 janvier 2023, notre requête contre la dérogation pour destruction d’espèces protégées a été jugée au tribunal administratif de Marseille. Elle a été rejetée, comme nous l’avons expliqué, annonçant du même coup notre décision d’aller en appel.
Le 17 mai 2024 a eu lieu l’audience de notre appel à la Cour administrative d’appel de Marseille. La décision de la cour, transmise le 31 mai, nous donne raison. Un article dédié à l’après appel étudie les différentes perspectives qui en découlent.
Le 30 juillet 2024, Amilure a été informée par le Conseil d’Etat que la société Boralex avait déposé le 25 juillet dernier un pourvoi en cassation à l’encontre de l’arrêt rendu le 31 mai 2024 par la Cour administrative d’appel de Marseille.
Ce pourvoi doit d’abord être admis en cassation. Si c’est le cas il sera contradictoirement communiqué à chacune des parties concernées par ce dossier et Amilure se constituera pour en solliciter le rejet.
Le 19 novembe 2024, la DREAL a mis en ligne un arrêté préfectoral daté du 27 septembre dernier, mettant en demeure Boralex de régulariser sa situation suite à l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 31 mai dernier, qui retirait à l’opérateur sa dérogation espèces protégées. Il a maintenant deux possibilités : soit prouver qu’une recherche de site alternatif en bonne et due forme a bien été effectuée à l’échelle de la Haute-Provence (bonne chance !) bien que la cour d’appel ait jugé du contraire, soit démanteler la centrale. Le Conseil d’Etat n’a toujours pas statué sur l’admissibilité du pourvoi porté par Boralex mais cet arrêté est exécutoire et ne devrait pas être affecté par la procédure de cassation avant son jugement éventuel. Il restera à l’opérateur la possibilité d’attaquer cet arrêté…
Sauf imprévu, compte encore grimper tous les mercredis matin, dans les 4 semaines à venir, pour lire Charlie sous la réconfortante protection de nombreux équipages de la gendarmerie, sur le site revendiqué par BORA LEX (NON EST LEX). Devant ce gâchis, une question me taraude : L’état ses administrations et les sociétés où il détient de stratégiques participations ont-ils réalisé la moindre étude visant à équiper l’axe structurant majeur qu’est le canal de la Durance en panneaux solaires ? C’est l’alternative régalienne la plus pertinente pour éviter un mitage écocidaire de la Région sur la base foncière d’un équipement majeur existant. Aucune nouvelle emprise, pas ou peu de béton, des connexions réseaux aisées au droit de toutes les concentrations urbaines du Val de Durance, réduction de l’évaporation, accès aisés existants, sécurité stratégique acquise. Pas d’obstacle, non ? Que branlent, en termes de visions d’avenir & d’équipements d’intérêt publics, “nos” élus du Conseil Régional et des Conseils Départementaux ? Attends avec impatience table ronde réunissant imaginations, compétences de tous milieux et toutes fonctions pour remonter les bretelles de quelques élu.e.s en irresponsabilité totale et criminelle de notre avenir partagé. Avec un.e avocat.e assurant la défense de notre biodiversité. Bon courage. Jean-Mau