Dans les campagnes publicitaires, sur les sites des énergéticiens et dans les discours politiques, on ne cesse de nous parler d’« énergie verte ». Mais que cache cette expression ?
L’illusion de l’énergie verte
Le mot « vert » ne renvoie pas ici au spectre chromatique de nos énergies. Son usage n’a rien de scientifique, il est purement symbolique. Dans la symbolique chrétienne, le vert est la couleur de l’espérance, mais c’est surtout la couleur dominante du monde végétal (herbe, arbres, feuilles). On associe la couleur verte à tout ce qui est respectueux de l’environnement, voire bénéfique à la nature. Colorer nos énergies en vert revient à suggérer, de manière implicite, que nos énergies participent à la préservation de la nature et des écosystèmes. La couleur verte est écologique !
Or, toutes nos productions d’énergie ont un coût environnemental. Fabriquer un panneau photovoltaïque implique des extractions minières, de l’industrie lourde et des transports. Installer un parc photovoltaïque ou un parc éolien, c’est transformer un paysage, détruire des habitats naturels, artificialiser les sols et modifier les équilibres locaux. Même une implantation hydroélectrique impacte la nature et l’habitat. Rien de tout cela n’est « bon » pour l’environnement et la biodiversité.
Si l’on parle d’énergie « verte », c’est par opposition aux énergies fossiles fortement émettrices de CO2. L’électricité produite par le soleil ou le vent semble effectivement plus propre de ce point de vue, en ce sens qu’elle est moins carbonée que l’électricité produite par le gaz ou le pétrole. Mais cette comparaison occulte un fait essentiel : aucune énergie issue de l’activité humaine n’est neutre pour la nature. L’énergie que nous qualifions de « verte » produit certes moins de dioxyde de carbone, mais elle n’est pas pour autant profitable aux écosystèmes. La nature se passerait bien volontiers de nos barrages, de nos panneaux photovoltaïques, de nos éoliennes et de notre électricité.
Un outil de marketing politique
En pratique, l’expression « énergie verte » est avant tout un outil de marketing et de communication politique. Elle sert à détourner l’opinion publique de la réalité des faits, à faire accepter des projets industriels destructeurs de nature sous couvert d’écologie. En imprégnant nos esprits, cette expression transforme toute opposition aux projets d’« énergie verte » (solaires ou éoliens) – supposés bons pour la nature – en un acte moralement condamnable.
Mais parler d’énergie « verte », c’est aussi occulter les conséquences réelles de nos modes de vie. Le fait de consommer toujours plus se pare soudainement de vertus écologiques. Nous transformons un comportement de prédation en geste vertueux, en produisant et en consommant de l’énergie verte.
Il ne peut y avoir de politique écologique sérieuse sans honnêteté sur les termes que nous employons. Les mots sont des boussoles. Ils tracent des directions, ils donnent du sens, mais ils peuvent aussi brouiller les repères. Aucune de nos énergies n’est vraiment « verte », même les énergies dites décarbonées.
Et lorsque l’on repeint en vert des décisions grises, on ne fait pas de l’écologie, on se livre à une opération cosmétique qui nous empêche de penser d’autres modèles, d’autres rapports au vivant.
La seule énergie vraiment verte est celle que l’on choisit de ne pas produire.
Une première version de cet article a été publiée ici :
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