Amilure – Les Amis de la Montagne de Lure

Les Amis de la Montagne de Lure

Agrivoltaïsme et bien-être animal

Le bien-être animal en agrivoltaisme

Nous avons récemment communiqué sur les risques liés au développement de projets agrivoltaïques pour la survie de l’agriculture traditionnelle (voir l’article Saccage de l’agriculture par la manne voltaïque). Nous nous penchons ici sur l’affirmation des promoteurs selon laquelle l’ajout de panneaux photovoltaïques aux élevages améliorerait le bien-être animal.

Nous concentrerons notre analyse sur l’élevage de bovins et d’ovins, qui font l’identité régionale.

Le cadre législatif de l’agrivoltaïsme

Commençons par rappeler le cadre légal de l’agrivoltaïsme, et l’importance de la question du bien-être animal dans l’évaluation des projets.

L’article L314-36, III du Code de l’énergie précise qu’une installation agrivoltaïque doit fournir au moins l’un des quatre services suivants :

  • Une amélioration du potentiel et de l’impact agronomiques ;
  • Une adaptation au changement climatique ;
  • Une protection contre les aléas climatiques ;
  • Une amélioration du bien-être animal.

Le décret n° 2024-318 du 8 avril 2024 nous apporte des précisions importantes sur les critères retenus pour évaluer l’amélioration du bien-être animal :

L’amélioration du bien-être animal doit s’apprécier au regard de l’amélioration du confort thermique des animaux, démontrable par l’observation d’une diminution des températures dans les espaces accessibles aux animaux à l’abri des modules photovoltaïques, et par l’apport de services ou de structures améliorant les conditions de vie des animaux » (Art. R. 314-113).

Soulignons que l’exigence d’amélioration du bien-être animal est un critère impératif car :

Une installation causant une atteinte substantielle à l’un de ces services perd sa qualification agrivoltaïque (art. L. 314-36, IV).

Loin d’être une simple considération de morale ou d’éthique, le bien-être animal constitue donc un critère légal conditionnant l’autorisation des projets agrivoltaïques.

Que dit la science sur le bien-être animal en agrivoltaïsme ?

Une première remarque s’impose, il existe particulièrement peu de travaux traitant du bien-être animal en agrivoltaïsme. Pour s’en convaincre, il suffit de consulter la toute dernière revue publiée sur la question (Bacon et al., 2025), où les auteurs n’ont trouvé que 8 études qui traitent de ce sujet.

Ces études nous indiquent toutes que les panneaux diminuent la charge thermique des animaux, surtout lorsque le rayonnement solaire est intense. Un rapport de l’INRAE de l’année 2023, non cité par Bacon et al. (2025), confirme cette tendance. Quelques résultats suggèrent également que les modifications microclimatiques induites par les panneaux pourraient améliorer la survie des agneaux (Gill et al., 2024).

Ces travaux sont à lire à la lumière d’autres recherches indiquant qu’une réduction de la charge thermique améliore le bien-être des animaux. Le cortisol est une hormone stéroïdienne dont la concentration est directement liée à l’état de stress : plus les animaux sont stressés, plus leur taux de cortisol est élevé. Les animaux qui disposent d’ombre présentent généralement des concentrations de cortisol dans la salive ou dans le lait plus faibles que ceux exposés en plein soleil (pour un exemple sur les vaches, voir Veissier et al., 2018), ce qui suggère que la présence d’ombre améliore leur bien-être.

Ainsi, la science nous indique bien que les panneaux photovoltaïques peuvent améliorer le bien-être des vaches et des moutons en élevage.

Gardons-nous de toute conclusion abusive

Mais rappelons une règle de base en science : un résultat n’a de valeur que dans les conditions où il a été produit, et il ne peut pas être généralisé sans précautions. Les conclusions que l’on peut tirer de telles recherches scientifiques dépendent donc directement des protocoles qui ont été employés.

Or, un rapide examen de la littérature montre que les recherches sur le bien-être animal en agrivoltaïsme n’ont utilisé que deux protocoles particulièrement simples.

agrivoltaic farm US

Cette image illustre le modèle de référence dans les études sur le bien-être. Il s’agit de zones dénudées avec les panneaux comme unique enrichissement. Illustration @Bacon et al., 2025

Le premier protocole utilisé par les chercheurs consiste à placer des moutons ou des vaches dans un parc solaire, afin d’observer comment ils utilisent l’ombre des panneaux (par exemple, Carvahlo Fonsêca et al., 2023). Sans surprise, ces recherches montrent que les animaux s’installent sous les panneaux en cas de forte chaleur, et que leur ombre modifie la température corporelle (Carvahlo Fonsêca et al., 2023), la fréquence respiratoire  (rapport INRAE, 2023), ou d’autres paramètres biologiques ou comportementaux indicateurs de bien-être.

Le second protocole consiste à comparer les comportements des animaux exposés en plein soleil, sans abri, avec ceux disposant de l’ombre offerte par les panneaux (par exemple, Andrew et al., 2021, Heins et al., 2022). Les résultats qui ont été obtenus par cette méthode convergent largement avec ceux utilisant le premier protocole, en soulignant les effets positifs des panneaux.

Mais en définitive, en se bornant à opposer deux situations extrêmes (ombre des panneaux ou absence d’ombre), ces travaux ne permettent qu’une conclusion simple et prévisible :

En cas de fortes chaleurs, l’ombre fournie par les panneaux est préférable à une exposition en plein soleil.

Gardons-nous donc de toute généralisation abusive. Ces études ne disent rien sur les avantages possibles des panneaux dans d’autres écosystèmes, et leur contexte est bien trop limité pour nous permettre de conclure à un effet global des panneaux solaires sur le bien-être animal.

Une situation bien différente en montagne de Lure

Montagne de Lure - Plateau d'Albion

Moutons en estive sur Lure

Les paysages de la montagne de Lure et du Plateau d’Albion forment une mosaïque écologique remarquable, mêlant plaines arborées, forêts denses et prairies d’altitude (document Natura 2000). Depuis des siècles, ces espaces accueillent les estives, où des milliers d’ovins et de bovins pâturent dans les clairières forestières et les prairies d’altitude. Des archives historiques attestent de l’ancienneté de ces pratiques pastorales qui ont façonné nos paysages. En hiver, les troupeaux sont maintenus dans les prairies de basse altitude, où haies et bosquets offrent depuis longtemps un abri naturel au bétail.

L’environnement diversifié de la montagne de Lure est donc très éloigné de celui des études sur l’impact des panneaux solaires sur le bien-être animal.

Il en découle que les conclusions des travaux cités plus haut sur le bien-être animal ne peuvent en aucun cas servir de référence pour guider les décisions concernant notre territoire.

Sur les avantages de l’ombre naturelle

A notre connaissance, il n’existe aucune étude comparant directement le comportement des animaux lorsqu’ils peuvent bénéficier de l’ombre des arbres ou des panneaux photovoltaïques.

Toutefois, de nombreuses recherches confirment que, comme pour les panneaux solaires, l’ombre des arbres aide les animaux à mieux réguler leur température (Galloso-Hernandez, 2020), à réduire leur consommation d’eau et à adopter des comportements favorables au repos ou à la rumination (Giro et al., 2019).

Mais à la différence des panneaux, l’ombre naturelle ne se limite pas à un rôle de protection thermique : elle s’accompagne d’une multitude d’autres bénéfices écologiques et comportementaux qui enrichissent durablement l’environnement des troupeaux.

Ainsi, grâce à l’évaporation de l’humidité des feuilles, les arbres créent un véritable effet de refroidissement (Yin et al., 2024), plus efficace que l’ombre sèche des panneaux solaires. Leur ombrage est par ailleurs changeant. Il varie selon l’heure, la saison ou l’espèce d’arbre (Castillo et al., 2020). Les animaux peuvent donc ajuster leur comportement avec finesse, pour trouver l’équilibre dont ils ont besoin pour leur bien-être.

De plus, arbres et arbustes enrichissent l’alimentation en offrant fruits, feuilles ou graines, tout en procurant des abris contre la pluie et le vent, des supports pour se gratter, ou encore des refuges pour se dissimuler. En améliorant la fertilité des sols et la résilience des pâturages (Fahad et al., 2022), ils contribuent aussi, de manière indirecte, mais décisive, au bien-être des troupeaux.

Enfin, même si ce n’est pas l’objet de ce texte, les couverts arborés contribuent au maintien de la biodiversité, et au bien-être des très nombreuses espèces animales qui y trouvent refuge.

On le voit, l’ombre naturelle fournit de nombreux éléments de bien-être que les panneaux photovoltaïques ne peuvent fournir.

Sur la nécessité d’évaluer chaque projet dans son contexte

En conclusion, les panneaux photovoltaïques peuvent améliorer le bien-être du bétail dans des prairies dépourvues de toute protection. Dans ces situations, ils apportent une protection utile contre le stress thermique.

Mais dans les zones où les animaux disposent déjà d’une ombre naturelle diversifiée, l’agrivoltaïsme n’offre aucun avantage notable sur leurs conditions de vie. Dans certains cas, il peut même avoir un impact négatif sur le bien-être animal.

L’article L314-36-III du Code de l’énergie stipule qu’un projet ne peut pas être qualifié d’agrivoltaïque s’il porte atteinte au bien-être animal (ou à l’un des trois autres services listés).

Dans ce contexte, nous ne devons plus accepter sans nuance l’idée selon laquelle la seule présence de panneaux améliore le bien-être animal.

Le bien-être est une notion relative : elle ne peut être évaluée qu’en fonction d’un contexte donné, des conditions environnementales locales, et des besoins des animaux considérés.

Sur cette base, l’instruction des projets agrivoltaïques en préfecture devrait logiquement comparer, au cas par cas, la situation initiale des animaux de l’exploitation agricole à celle projetée, pour s’assurer que l’installation prévue préserve leur bien-être et les équilibres écologiques.

A défaut, tout projet ne répondant pas à ces critères devrait se voir refuser la qualification “d’agrivoltaïsme”.

Télécharger la version pdf de cet article

Vous souhaitez contribuer à la protection de l’environnement.

Vous aimez nos actions.

Adhérez à Amilure ou soutenez-nous par vos dons.

Page d’adhésion et de dons

Photographie d’en-tête @pixabay

Agrivoltaïsme et bien-être animal

3 commentaires sur “Agrivoltaïsme et bien-être animal

  1. Encore un article éclairant, merci.
    À l’ombre le soleil est moins brûlant : Lapalisse n’aurait pas dit autre chose. Et pas besoin de dépenser des sous pour savoir ça.
    Je me rend compte que les études citées ne concernent, en annexe aux panneaux, que l’introduction de l’élevage ovin en plaine céréaliere. Une substitution agricole dont on devrait aussi mesurer les effets, et etudier les alternatives.

  2. Ça me laisse dubitatif, je pense que c’est plutôt un prétexte pour mettre des PV là où nous n’en voulons pas ! De l’ombrage naturel nous n’en manquons pas. Je ne sais pas si les ovins possèdent le même ressenti que nous, mais je n’irais pas me mettre à l’ombre de PV, malgré ma très forte attirance pour le matériel électrique ! Il y assez d’arbres plus sympas pour la sieste ! Je n’ai pas vu s’il y avait une étude sur les effets électromagnétiques, car les animaux sont plus sensibles que nous, notamment aux courants telluriques, ayant le nez à terre en permanence….

    1. Votre commentaire va tout à fait dans le sens de cet article. Les opérateurs utilisent de toute évidence la question du bien-être animal comme un argument commercial, et cet argument et trop facilement accepté par les pouvoirs publics. Nous montrons dans ce texte qu’il existe trop peu d’études pour pouvoir conclure en un effet général des panneaux sur le bien-être animal, et que les études scientifiques disponibles ont été réalisées dans des contextes bien trop différents de notre contexte régional pour que leurs conclusions aient la moindre valeur dans l’instruction des dossiers.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Retour en haut