Une enquête publique a été ouverte, complémentaire à l’étude d’impact sur les effets indirects de l’approvisionnement en bois de la Centrale de Gardanne.
Pour mémoire, il s’agit là de l’une des pires inepties dont la frénésie politique liée aux EnR (énergies renouvelables) a accouché, et que nous dénonçons depuis plusieurs années : raser les forêts, puits de carbone naturels et gardiennes de la biodiversité, pour générer des quantités incommensurables de CO2, avec un rendement de production électrique ridicule (de 23 à 30% selon les sources) – et une rentabilité assurée grâce à la générosité incompréhensible de l’Etat.
Contexte : plusieurs associations se battent depuis 2012 contre l’autorisation d’exploiter cette centrale pour raison d’étude d’impact invalide, et le Conseil d’Etat a fini par leur donner raison. Puis, la cour administrative d’appel de Marseille a ordonné une nouvelle étude des impacts directs et indirects (dont les communes touchées par l’extraction de bois, initialement ignorées). C’est dans ce cadre qu’intervient cette nouvelle enquête publique qui se déroule sur 324 commues depuis le 5 mai jusqu’au 6 juin prochain.
L’enquête est expliquée sur cette page, et le formulaire par lequel vous pouvez transmettre votre contribution se trouve sous l’onglet « Déposer votre contribution ».
Nous publions ci-dessous la contribution d’Amilure à l’enquête.
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L’Association des Amis de la Montagne de Lure, Amilure, a pour objet de préserver l’environnement de ce territoire contre toutes les dégradations dont il peut être menacé. Elle se donne pour but de protéger et promouvoir ce lieu emblématique des Alpes-de-Haute-Provence, ses paysages, sa faune, sa flore, son urbanisme, son cadre de vie, son patrimoine architectural, culturel et historique qui font partie du « patrimoine commun » (conformément à la Convention européenne du paysage).
Afin de définir l’espace du territoire s’appliquant à l’objet social d’Amilure une liste de communes a été incluse dans ses statuts. Plusieurs de ces communes sont concernées par l’enquête publique complémentaire à l’étude d’impact sur les effets indirects de l’approvisionnement en bois de la Centrale de Gardanne parmi les 324 incluses dans le périmètre de cette enquête : Aubenas-les-Alpes, Aubignosc, Banon, Ganagobie, La Rochegiron , Montsalier, Oppedette, Redortiers, et Vachères.
Amilure est de ce fait légitime à exprimer un avis.
Le discours sur la diminution des réserves fossiles est devenu une arme de destruction massive de la forêt : le changement climatique a rasé 1/3 tiers de la forêt portugaise en 10 ans… Sur l’ensemble du périmètre défini pour l’approvisionnement de Gardanne, on risque avec ces mégacentrales à biomasse un appauvrissement des sols par une surexploitation des zones les plus accessibles et l’utilisation de moyens mécaniques les plus destructeurs (abatteuses, broyeurs mobiles…) qui transforment des arbres entiers en plaquettes forestières, ne laissant plus assez de rémanents pour la minéralisation et la recomposition des sols.
Il y a aussi un aspect économique en jeu : le capital naturel de plusieurs générations est aujourd’hui l’objet de l’intérêt des industriels qui lorgnent sur ce potentiel financier et sur les aides des états européens. Il y a 150 ans, la plupart des forêts d’Europe avaient disparu mais le charbon, puis le pétrole, les ont préservées. Ce fut le cas de la montagne de Lure et des massifs boisés voisins (cf. La montagne de Lure – Encyclopédie d’une montagne en Haute-Provence, Alpes de Lumière 2009, pp. 68, 83-34).
Si nos sociétés s’attaquent depuis quelques années à la biomasse forestière c’est que le capital reconstitué de 2,5 milliards de tonnes de bois en France aiguise les appétits des industriels de l’énergie. Mais en s’attaquant à une forêt jeune et en pleine croissance, ces exploitants réduisent le potentiel de stockage du CO2 que permet la photosynthèse des feuillages.
Il faut ajouter que le déstockage massif du carbone par la combustion de la biomasse pour fabriquer de l’électricité aggravera le changement climatique par l’émission de gaz à effets de serre ( CO2). Et qu’il est illusoire dans nos forêts du sud d’envisager que la régénération liée à une exploitation, fût-elle rationnelle et bien contrôlée, puisse équilibrer l’émission du CO2.
Il existe des sources d’énergies décarbonées déjà largement exploitées dans notre pays, parfois à l’excès au point de provoquer des dysfonctionnements dans leur acheminement (réseau RTE) ou leur rendement (prix négatif) pour qu’on ne se lance pas dans l’aberration de la production d’électricité par la combustion de la ressource forestière.
De la même façon qu’Amilure défend les espaces naturels, agricoles et forestiers contre les promoteurs des EnR qui tentent de s’accaparer ce foncier pour y installer des centrales industrielles photovoltaïques ou éoliennes, nous nous opposons en priorité à la destruction des forêts incluses dans notre périmètre d’intervention et à celles qui, ailleurs comme chez nous, participent à la régulation du climat et à la protection de toute la biodiversité qui s’y abrite.
Les centrales à biomasse forestière comme celle de Gardanne ne constituent pas une source d’énergie vertueuse.
La combustion génère fumées et particules fines donc une pollution qui est très dangereuse pour la population. Considérer le bois comme une énergie renouvelable est un sophisme quand on sait qu’il faut a minima 20 ans pour qu’un arbre arrive à maturité (pour les bois à croissance rapide) : c’est le temps qu’il faudra pour la reconstitution du CO2 relâché par la combustion dans l’atmosphère du bois énergie.
Une autre réalité est la faible rentabilité de cette énergie à cause de l’énergie grise à engager (énergie mobilisée en amont de la production d’énergie envisagée et qui de ce fait doit être déduite dans le bilan énergétique de la production). Par ailleurs, les pertes dues aux transports pour acheminer la matière première, l’énergie consommée pour transformer les arbres en plaquettes, celle liée à la transformation de l’unité de production du charbon au bois ainsi que l’acheminement aux consommateurs en finalité représentent a minima 15 à 30%.
En dépit de ces constats, face à la pression des syndicats, légitimes à négocier pour maintenir l’emploi sur ce bassin de vie et à l’insistance des élus locaux, l’Etat représenté par Olga Givernet, la ministre déléguée chargée de l’énergie auprès de la ministre de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques dans le gouvernement Barnier, a concédé à l’exploitant de la centrale thermique (Gazel Energie) un contrat de 800 millions d’euros courant sur huit ans pour relancer l’activité de l’ancienne tranche 4 du site, au charbon, reconvertie en 2012 à la biomasse et à l’arrêt depuis le 12 décembre 2023.
Ainsi l’intérêt économique a prévalu sur l’alarmante situation climatique. Une aubaine pour l’investisseur, l’homme d’affaires milliardaire Daniel Krétinsky qui bénéficie d’une aide substantielle de fonds publics au moment où les finances du pays sont visées par des mesures d’austérité budgétaire.
Ce contrat signé le 26 novembre 2024 prévoit une production pendant 4 000h/an au lieu des 7 500h/an initialement convenues quand Eon, l’énergéticien allemand, pilotait ce projet. Ce sera en conséquence une production intermittente qui nécessitera l’arrêt puis la remise en route de la combustion des plaquettes. Chaque démarrage devra relancer par l’utilisation de gaz ou de fioul, le lit fluidisé de particules solides à 850°C qui constituera le plasma chaud sur lequel sera acheminé le combustible – les plaquettes obtenues par le broyage des arbres. L’énergie verte, revendiquée par l’opérateur, est-elle toujours de mise avec un tel processus qui utilise de l’énergie fossile ?
Amilure exprime ici son opposition à la reprise du fonctionnement de la tranche 4 de la centrale de Provence en une unité de production d’électricité renouvelable à partir de biomasse (bois).
Cette centrale thermique dont la capacité de production n’apporte rien de bon à l’offre énergétique de la Région Sud (ex PACA), ne contribue pas à la nécessaire décarbonation de la région ni à la sécurisation du système électrique français et met en péril les espaces naturels boisés et forestiers de seize départements sur trois régions – Sud, Occitanie et Auvergne-Rhône-Alpes.
Image d’en-tête : © AFP PHOTO / GERARD JULIEN
Aberrant à une époque où nous avons réussi à arrêter les centrales à charbon, et RTE ne sait plus quoi faire de toutes ces énergies intermittentes. A quand le ”black out” en France….